04‏/09‏/2008

Le pélerinage du sage 4/4

Le réalisateur : « Mon seigneur qu’est ce que je fais avec Hakim alors qu’il récite tout le Coran ? Je n’ai plus d’idées pour lui, je le laisse choisir entre les deux voies. »

Hakim n’est plus comme autrefois, son rêve va déterminer toutes ses actions futures. Il se pose la question : suis-je dans la bonne direction ? Si c’était la bonne direction que j’ai choisie auparavant, donc vers l’Est, j’aurais pu voir mon prophète (SAS) dit-il. Hakim reste au milieu du carrefour : continuer vers l’Est ou rebrousser chemin vers l’Ouest. Il a beaucoup de conseillers, mais ces gens là sont encore des nouveaux musulmans et en plus cannibales. Ils ne peuvent pas lui donner la bonne décision. Hakim n’arrive pas à comprendre la complexité, la gravité et la suite de ses actions. Ses enfants et ses femmes veulent être tranquilles, stables et en paix. Ici, il commence à imaginer la vie des autres, des non-musulmans, des enfants de ses ennemis. Hakim est pris par la turbulence et l’orage, il a le mal de tête.

Une question ne le laisse plus dormir : pourquoi ne s’est-il pas installé définitivement chez lui, sur sa terre natale ? Pourquoi ne pas offrir la paix au peuple tunisien ? Pourquoi ne pas libérer la Tunisie de la dictature ? Hakim décide d’envahir son propre pays, et d’installer une république juste, islamique, révolutionnaire par la force, l’armée de 100.000 combattants est là, les armes sont là, l’expérience aussi est là.

De bon matin, Hakim sur son trône, porté par ses soldats cannibales rebrousse chemin. Sa destination est le jardin de jasmin. Ghoulem n’a pas compris, Kais non plus, ils sont trahis tous les deux. Ils décident de quitter l’armée de Hakim, ils ne rentreront jamais chez eux en tête d’une armée, ils ne participeront jamais à une sale guerre contre leur pays et contre les mains qui les ont nourris et fait grandir. Ils quittent en cachette vers le nord, Ghoulem est géostatique, Kais est un radar, ils ne se perdent jamais.
Ils sont déjà devant les champs de mines, Hakim lance derrière eux le tiers de son armée de cannibales. Lui, il continue à traverser le Sahara, direction à l’ouest, ses soldats meurent tous dans les champs de mines. Kais sait bien où il faut placer ses pattes, Ghoulem le suit scrupuleusement. Seuls mes amis ont pu traverser ces champs minés, alors Hakim entend chaque jour, deux ou trois explosions de mines. Les chacals ont trouvé quoi manger pendant plusieurs jours. Le tiers de son armée est décimé et déjà dans les ventres des chacals.

Il continue vers l’ouest, sans problèmes et sans dangers, toujours intronisé sur les épaules de des ses soldats, mais cette fois ci, il n’est plus jeune, n’est plus vigilant et n’est plus sage comme autrefois.
Kais et Ghoulem, sans répit, continuent à marcher vers le nord, puis vers l’est pour arriver les premiers aux frontières de leur pays. Ils y entrent, ici ils ont pris encore plus de force, ils sont chez eux. La nuit ils dorment comme des enfants, pas loin de la route conduisant à la petite république de Kacem.
Ils rentrent chez eux ; chez moi dans ma maison, je suis sorti pour les voir, les accueillir et les embrasser, Ghoulem est devenu totalement blanc, ses cheveux noir ne sont plus vifs, le pauvre a survécu à la sagesse de Hakim, peut être qu’il n’a jamais pu supporter ses idées et ses rêves.
Kais, avec sa barbe, ses yeux mi-ouverts, mi-fermés, a perdu du poids et le sens de l’odorat. J’ai déchargé Ghoulem, les deux sacs sont pleins de cahiers, de papiers et de cartes. J’ai lu toute l’histoire de Hakim et toutes ses aventures. Je me suis posé la question, mais pourquoi Kais et Ghoulem l’ont quitté ?

Kais, ses yeux dans mes yeux, s’approche de moi et me traîne vers la bibliothèque pour me pousser vers ma carabine. Il saute sur le bureau et prend la direction de la carabine et ses cartouches. Ici, j’ai compris que la guerre n’est pas loin. Hakim a pris la direction ouest et nous attaquera du front saharien.
Hakim, n’a rien compris, n’a rien appris dans sa vie, quoi ? Il veut se venger, mais de qui ? D’un pouvoir ou d’un peuple. Si ce peuple est comme ça, Hakim n’arrivera jamais à le convaincre par la force. Je tiens ma tête entre mes mains, j’enlève mes lunettes. La carabine est sur mon bureau, les cartouches sont là. Je suis poète et je ne peux pas tuer, même pas une mouche, comment alors tuer son propre ami ? Hakim que je viens de créer dans ma mémoire.
Défendre mon pays, ma république est aussi une obligation. Je ne sais quoi faire ?! Je dois demander l’aide aux gens plus compétents et plus sages que moi, le pays risque d’être attaqué d’un jour à l’autre, il faut se préparer à la guerre.
J’écris une petite lettre aux généraux de l’armée tunisienne en leur disant que la Tunisie est la cible d’une grande armée de 70.000 soldats cannibales. Deux jours après, j’écoute que la Tunisie est totalement mobilisée, l’armée, la police, la garde nationale et les combattants bougent vers le sud. J’ai chargé mon arme et je prends le chemin du front.
Juste à la porte du Sahara, je vois les soldats, les agents de police et de la garde nationale qui reculent, les gens ne veulent pas défendre leur pays. Les jeunes entre eux refusent les ordres des généraux, en répétant que nous ne défendrons jamais un régime corrompu. Le front est ébréché devant Hakim. Je rentre du front pour chercher les patriotes, aux lycées, aux écoles primaires, dans les usines, partout. Les Tunisiens ne veulent pas défendre leur pays, les tunisiens ne sont pas là. Un peuple perdu, un peuple sans foi et sans pitié. Ils ne veulent pas défendre leurs enfants, les oliviers, les palmiers et les bêtes.

Réflexion :

Voilà, le résultat d’une politique basée sur la répression, l’exclusion et la méfiance. Le citoyen tunisien n’est plus là, il se déteste lui-même et le jour de sa naissance sur sa terre, mère patrie. Totalement vide, accablé et incapable il est devenu une paroi facile pour toutes les idées comme l’intégrisme et l’immigration clandestine. Un citoyen mal servi aux hôpitaux, aux écoles, aux cours et dans les universités devient son propre ennemi.
Un Etat qui voit dans ses citoyens des terroristes n’est pas un Etat digne de respect, un Etat qui ne cherche pas les vraies causes de ses problèmes n’est plus à la hauteur de sa mission. Un Etat basé sur la corruption et l’injustice ne peut avoir que la forme d’un virus. Il se déguise de jour en jour.

Un citoyen, qui ne croit pas à la justice de son pays, qui n’a pas confiance en son Etat n’est plus un sujet fort sur lequel on peut compter pour planifier de nouveaux projets, organiser le développement, optimiser les méthodes et faire de bonnes prévisions. Tous nos calculs sont faux. L’absence de confiance entre l’Etat et ses citoyens est annonciatrice de la guerre civile et c’est la porte ouverte à une nouvelle occupation étrangère. Peut-être que nous sommes déjà dans ce cercle vicieux. Le futur de la Tunisie ne doit, en aucun cas, être conçu et pensé par quelques administrateurs ou un parti politique. Le futur de la Tunisie est une affaire nationale qui dépasse l’imagination d’un cercle fermé de quelques intellectuels. L’art et la culture sont à la base de la régénération des peuples.

Le gouvernement cherche de l’aide chez d’autres pays, le prix est l’occupation. Trop vite des milliers des navires de guerre sont installés dans nos ports...A Gabes, Sfax et Tunis, le plus beau que tous ces soldats sont accueillis par nos filles, bien habillées....les ports sont devenus des bordels. Toute la nuit, les ports sont mouvementés, des petits garçons, des petites filles qui cherchent le chocolat chez les soldats. Moi je pense que tout un bordel de pédophilie est installé à l’intérieur de chaque navire. Les soldats étrangers baisent nos filles et nos femmes en pleine rue...Oui, en plein ramadan.

Hakim n’est pas loin des frontières.
Le peuple est ainsi entre deux feux : les cannibales de Hakim et l’armée étrangère

Kacem:
Je n’ai pas envie de décrire ce combat. Tout simplement je me perds entre deux visions différentes. Le film reste ouvert sans plan final, j’arriverais jamais à faire le face à face avec Hakim, ma propre création. Moi, tenant ma carabine, lui, tenant son automate. Non, je ne peux pas le faire. Non, non je ne le fais pas et je n’en ai pas envie. Peut être qu’il a raison ? Peut être que je suis faux, vraiment faux ?
A vous de choisir votre destin, moi je ne suis là que pour vous reposer la question : nous allons où, enfin ?
Kacem 21-07-2004

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