Le MONDE
AMONDE 12.11.08 14h53 • Mis à jour le 12.11.08 15h22
La vie d'Abdellatif Bouhjila, un ancien prisonnier politique tunisien libéré il y a tout juste un an, est en danger. Cet homme de 39 ans est en grève de la faim depuis le 2 octobre. Il y ajoute, depuis le 10 novembre, une grève de la soif. Bouhjila observe son mouvement à son domicile de Mégrine, près de Tunis, sans surveillance médicale, et sa santé se dégrade rapidement, indique son entourage.Comme tous les ex-prisonniers d'opinion - qualificatif que leur dénient les autorités tunisiennes -, Abdellatif Bouhjila a perdu tous ses droits en retrouvant la liberté : pas d'accès aux soins, pas de travail, pas de passeport, pas de liberté de circulation... Paradoxalement, c'est pour obtenir le droit de se faire soigner qu'il s'est lancé dans ce jeûne désespéré."On a du mal à imaginer, en France, le sort des anciens détenus politiques en Tunisie. Quand ils sortent de prison, ils ne peuvent pas reprendre une vie normale, et sont soumis, de facto, à un régime d'apartheid. D'où ces grèves de la faim qui paraissent disproportionnées mais sont, pour ces exclus, le seul moyen de se faire entendre", explique Luiza Toscane, chargée à Paris du dossier des prisonniers politiques tunisiens auprès de plusieurs organismes internationaux de défense des droits de l'homme.Abdellatif Bouhjila est bien connu d'ONG telles que l'Action des chrétiens pour l'abolition de la torture (ACAT) et Amnesty International, qui ont déjà pris sa défense.En novembre 2000, au terme d'un procès que l'on surnomme alors celui "des agonisants", car les prévenus, en grève de la faim depuis deux mois, sont amenés sur des brancards, Bouhjila est condamné à une peine de 17 ans de prison. Il est accusé d'appartenir au groupe islamiste Al-Ansar. Sa peine est réduite en appel à 11 ans de prison. Il en effectuera neuf.Tout au long de son incarcération, Abdellatif Bouhjila observera des jeûnes à répétition pour se faire entendre, notamment pour obtenir le droit de recevoir des visites de sa famille. Sa santé en sera considérablement affaiblie. Aujourd'hui, il souffre de graves problèmes rénaux et cardiaques.Le 5 novembre, une vingtaine de détenus islamistes ont bénéficié d'une libération conditionnelle, à l'occasion du 21e anniversaire de l'arrivée au pouvoir du président Ben Ali. Il s'agissait du dernier groupe de prisonniers membres de la mouvance islamiste interdite Ennadah. Ils sont plusieurs centaines à être sortis de prison depuis 2004, mais sans jamais recouvrer leurs droits.Florence Beaugé