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Cette page est le numéro 38 du quatrième chapitre de ma thèse. Je suis bloqué et je n’avance plus comme prévu. Il est déjà minuit chez moi. L’idée d’écrire un nouveau film circule dans ma tête, il y a déjà plus que deux jours. Je suis perdu dans l’arbitraire comme des milliers d’entre vous, je me sens perdu ; je suis devenu sans patrie, un nomade, un orphelin. J’ai perdu mes références. Je me sens chassé chez moi et chez les voisins, je me sens comme si quelqu’un me suivait partout. Il se trouve même entre les lignes et quelques fois il s’assoit devant moi pour me dicter quoi écrire, comment réagir, comment voir les choses et comment penser. Voilà ce que vous avez fait de Kacem. Je ne me sens plus capable de bouger ou de prendre une décision, même la plus mauvaise. Alors décidez à ma place et poursuivez-moi partout dans le monde. Je me sens incapable de franchir mes défis, je me sens bas, plus bas que jamais, je n’ai rien dans la tête sauf pourquoi j’existe, et pourquoi je suis en vie. Avez-vous des anthropologues qui puissent interpréter la situation de kacem ? Je suis un cas a étudier profondément. Pourquoi cette société détruit ses hommes et ses femmes, pourquoi cette société ridiculise ses médecins, ses ingénieurs, ses écrivains et ses poètes ? Pourquoi avez-vous créé cette machine de merde qui avale nos compétences et notre espoir ? Vous avez tué l’espoir et l’imaginaire dans sa tête. Vous avez coupé sa langue, vous avez fait naître la haine entre mes cotes. Savez-vous combien y a-t-il de Kacem ? 5 millions de Kacem. Alors décidez à ma place et poursuivez-moi partout dans le monde, de ville en ville et d’un pays a un autre, dépêchez vos troupes partout dans le monde à la recherche des hommes libres. A la recherche des oiseaux. Ces oiseaux sont déjà nés dans des nids formés par les câbles d’internet. Bientôt ces oiseaux auront des ailles pour traverser la dernière étape de leur peur, ils deviendront des aigles aux griffes si dures et si pointues. Vous fabriquez des monstres avec votre machine aux dents de scie. Vous voulez arriver à quoi au juste, c’est quoi votre projet en fait ?
kacem
Ce patriote doit avoir un nom, un visage, je dois le cristalliser comme toutes les statues de monde, soit donc Zibla (Ordure). Zibla, habillé en costume vert pistache. Il marche devant moi en direction du marché central. Il porte avec son costume des espadrilles Adidas, voyons donc la beauté de ce personnage. La cravate est si jaune, qu’il est impossible de la fixer pendant un moment. Sa chemise blanche me rappelle la marmite de ma mère dans les années 1970. Zibla n’a pas encore 50 ans, il est petit, je dirais plutôt trop petit 1m50, mais gros. Son visage est totalement déformé à cause d’un accident de la route en été 2000.
Quand je dépasse Zibla, je lui dis "Mais where are you, il y a longtemps que je ne t’ai pas vu". Zibla aime beaucoup parler, à la moindre question il commence une conversation. Il attrape ma main et dit : "Allons boire un café, je t’invite, j’ai beaucoup de choses à te dire à propos de mon travail". Je lui répond "Non , non , je n’ai pas le temps". Zibla insiste beaucoup, et en marchant vers le café je remarque que Zibla regarde à gauche et à droite et derrière, comme s’il se sentait sous contrôle. Je lui dis alors "Quoi, nous sommes suivis par quelqu’un ?". Il me répond "Non, mon travail exige que je sois toujours vigilant". Je dis alors "Zibla tu fais quoi ?!". Il répond "Écoute Kacem , c’est uniquement à toi, me dit Zibla, je fais mon travail pour mon pays, je suis patriote du parti et de la patrie, tu ne sais pas ce que je fais, je suis Sabbab (dénonciateur), oui Sabbab. Assied-toi !"
On s’assoit au café, tout en déplaçant une petit table un peu loin des autres, il continue. "Écoute Kacem, si je quitte la ville pendant une semaine, ici tout ce monde dévient islamiste (voilà comment et où se cache la dictature, comme s’ils étaient nommés par dieu pour diriger ce pays), et comme ça nous aurons le bordel chez nous. Écoute-moi bien, moi je fais le travail de tous les policiers que tu vois, je suis le plus informé de toute la ville, la police travaille sous mes ordres". Je dis alors "Non, mais non, tu n’est qu’un simple Zibla et tu ne peux rien faire". Il se met débout et dit "Veux-tu une démonstration ?" Je lui répond "Oui, tu vas me faire voir tes dossiers ?" Il murmure et dit "Je n’écris pas, et je n’ai jamais touché à un crayon, mais j’ai de la mémoire, viens, viens, allons au marché, tout va se passer devant tes yeux. Eh, n’oublies pas de payer les cafés et la bouteille d’eau."
Voilà, que Zibla m’a marqué un but, il m’invite et moi je paye, je savais que Zibla n’a jamais payé dans sa vie, ni ses visites chez le docteur, ni ses cafés, ni son costume. Me voilà donc avec Zibla côte à côte vers le marché, les marchands et les épiciers l’appellent avec son vrai nom : Si Fraj. Pour moi c’est Zibla et restera à vie Zibla ou pourquoi pas Fraj Zibla, c’est plus joli comme ça.
Il me raconte que tous ces gens-là sont des hypocrites et qu’en vérité ils le détestent. Il me dit aussi qu’ils sont jaloux de lui parce qu’il a des grands amis dans la police et parmi les cadres de la ville. Nous voilà donc dans le marché central, Zibla m’invite à fixer un marchand de viande, un boucher, juste en face de nous, il me demande aussi de faire attention qu’il ne me remarque pas. On s’approche du marchand, à deux mètres presque, Zibla me serre la main et me demande de bien contrôler ce policier, en train de commander deux kilos de viande. Je fixe le policier : le marchand coupe et emballe la viande dans un grand papier gris. Le marchand donne la marchandise au policier et dit "Bi echifee khouya". Le policier prend la viande de sa main droite et dit "Merci alik si Salah, heye marrah oukhra". J’ai vu si Salah frapper le grand morceau de bois avec sa hache de toutes ses forces. La sueur coule, coule et coule, je ne crois pas que ce monsieur pourra continuer à travailler. Mais le plus beau est que je viens de perdre Zibla de mes yeux, puisqu’il est très petit il se faufile très vite entre les gens. Il se place au dos du policier, et arrivé devant le comptoir de si Salah, Zibla dit : "Paye ta viande, je dis".
Le monde s’éloigne du comptoir, le policier regarde Zibla dans les yeux et dit "Je suis d’accord avec si Salah, je le paye chaque mois". Zibla connaît très bien ce type de policier et connaît bien Salah. Il crie de toute sa voix "Je suis l’associé de Salah, et je refuse le crédit ". Le policier dépose la viande sur le comptoir et file entre les gens en hurlant "On se reverra. On se reverra". Le monde tout autour regarde vers Si Fraj, Fraj est devenu le héros du marché. Zibla marche la tête haute, la poitrine ouverte et hurle en toutes ses forces "Vive la justice, vive 7 novembre, vive le essabba et rien d’autre qu’essaba ! Vive le 7 novembre !"
Les gens au marché ne s’intéressent plus à Zibla, je me dirige alors vers la sortie du marché derrière Si Fraj, mais j’ai entendu le hurlement de monsieur Salah "Si Fraj, viens, viens j’ai besoin de toi". Zibla se retourne et coupe vite vers le marchand, après quelques instants, il revient avec le même paquet de viande, celui du policier, j’ai vu le sac, j’ai vu la viande et j’ai senti même l’odeur. Zibla cherche à cacher le sac de viande en me disant qu’il n’est pas corrompu et qu’il est mieux que le pauvre policier. J’ai préféré éviter de lui affirmer qu’il est Zibla et quelle Zibla de Zibla, franchement, je n’ai pas voulu lui faire couler la sueur, je sais bien qu’il n’a pas payé pour les 2 Kgs de viande. Mais à vrai dire, c’est Salah lui-même qui est le perdant et ni le pauvre policier et ni le crétin Fraj. Le boucher est le seul responsable de cette situation. Il se défend du renard par le loup. C’est pourquoi qu’on ne peut plus rien comprendre, qui est le policier et qui est le citoyen. Une situation incompatible avec la logique d’un État moderne. Après un bon moment, nous avons réussi à sortir du marché, pour nous retrouver dans un petit quartier : le quartier général de Zibla.
2 Kgs de viande, ce n’est rien, n’est-ce pas, pour vous. Mais non, pour moi ils représentent 2 tonnes d’injustice. Si le marchand paye et l’agriculteur paye et le chauffeur paye, c’est ainsi que votre pays ne fait plus différence entre les poètes et les charlatans. Celui qui paye, celui qui passe, celui qui gouverne. Voilà votre logique déjà instaurée.J’ai décidé alors d’accompagner Zibla pendant une journée de travail, ce n’est peut-être pas intéressant pour beaucoup d’entre vous, mais les gens qui font la vie et qui font bouger les choses sont là sur le terrain, entre les personnages en pleine rue de la ville, ce sont eux qui font nourrir les enfants et les familles, c’est pour eux que j’écris et c’est pour eux que je veux concevoir un monde juste, même avec les lignes. Ce qui m’intéresse ce n’est plus Zibla comme personnage d’un film, je veux découvrir mon pays une autre fois et d’une autre façon. Je me demande ce qui se passerait si Zibla devenait le maire de son quartier et commençait à monter dans l’échelle du pouvoir pour arriver à prendre le poste d’un commissaire, mais au fond il l’est déjà.
Une autre question, pourquoi Kacem voit uniquement les mauvaises scènes du marché, pourquoi ce Kacem voit son pays de cet angle noir, de cet angle qui cache l’objectivité. C’est simple à raisonner, moi je vois comme ça les choses pour qu’on puisse avancer, la radio et la télévision applaudissent toujours et depuis déjà 50 ans. N’oublions pas les journaux et les festivals. Les carnavals organisés chaque année pour supporter un État psychiquement malade. Le bien, tout le monde le connaît, mais le mal est encore inconnu. La Tunisie a besoin de ses témoins.
Et s’il continuait à gravir vers les grands postes, pour qu’un jour Zibla devienne ministre de la culture, il ne s’arrêtera pas juste là, ensuite il pensera à son propre 7 novembre, et sa propre torture et créera l’ennemi du peuple. Comment une telle société peut donner naissance à des gens comme Si Fraj... C’est voulu, tout ceci. Je me suis dit que, oui, ça peut arriver, parce qu’il n’y a pas de vrais hommes et de vraies femmes qui peuvent dire non et peuvent éduquer leurs enfants dans une société normale. L’être humain est tué chez nous, il faut encore du travail.Ne m’écoutez plus et laissez tomber ce discours de Kacem, qui n’a rien à faire qu’écrire ce film dans sur la 38ème page de sa thèse. Et pourtant je me sens bien et tranquille, il est déjà 2 h de matin, calme, calme, j’aime la nuit et le calme. Je dois écouter Fairouz pour le moment avant d’aller dormir. J’aime mon lit et surtout ces moments, ceux avant que le sommeil me prenne vers la mort. Ces moments sont déterminants dans ma vie. Les personnages, les passages et la fin du film, je les vois toujours, allongé sur mon lit. Demain est un autre jour, demain je serais plus libre, demain je serais plus digne. J’étais et je suis toujours confiant que je me déplace sur la ligne droite vers la liberté et vers la dignité, veut qui veut, et s’ils ne veulent pas, qu’ils frappent leurs têtes contre leurs murs.Alors, avec Zibla, je suis entré au quartier général dont l’architecture ressemble à un grand fer à cheval, au fond les bâtiments forment un arc de cercle, à gauche et à droite on trouve les épiciers, les cordonniers, la pharmacie et les bureaux de médecins, et toutes les autres boutiques, j’ai remarqué un grand nombre de coiffeuses. Peut-être ceci explique le grand nombre d’enfants qui jouent au football en plein quartier. Juste au centre et au fond j’ai vu la fontaine de la place 7 novembre. La fontaine est vide d’eau, Zibla m’a expliqué que c’est une richesse, et c’est un grand acquis du quartier, et qu’elle a fonctionné uniquement pendant son premier jour. Les femmes sont comme les mouches, assises sur la bordure de cette fontaine, la majorité des femmes est enceinte, leurs maigres pieds et gros ventres me rappellent mon voyage au Gabon dans les années 1980. Les visages sont pâles, pâles comme le citron. Une mauvaise nutrition est à la base de toute mocheté. Les fenêtres au deuxième étage sont toutes ouvertes, surtout celles des cuisines. Les filles sont nombreuses aussi, de leurs regards elles contrôlent l’arrivé et la sortie dans le quartier de tout autre visage non connu ; le plus beau est qu’elles saluent de leurs mains gauches et distribuent des baisers à travers les fenêtres avec leurs mains droites. J’ai reçu quatre baisers, l’une d’elles sentait le Bssal et une autre du poisson.
Le quartier général de Zibla est un cinéma réel, vivant et dynamique, il suffit de filmer et monter. C’est ça la Tunisie que j’aime, et c’est ça notre peuple, je suis fier d’être avec lui et de lui. Il y a un autre monde caché entre ces femmes, ces hommes, ces épiciers, ces filles et de ces enfants. Moi, votre Kacem, je veux entrer avec vous partout et même sous leurs lits. Avec ma loupe je veux voir, les saletés et les ordures, sinon comment on va les désinfecter.
Je m’assois donc avec Zibla pas loin de la fontaine. L’entrée au quartier d’un homme poli, portant un cartable gris, fait bouger tous les enfants autour de lui. Les enfants, encouragés par leurs parents, commencent à se moquer du professeur, en lui disant des mots impolis et médiocres, ils dansent autour de lui, en arrachant son cartable de sa main pour le vider totalement. Lui, il continue à marcher sans rien dire, et sans même crier. Il disparaît donc dans une petite ruelle, les enfants reviennent en courant, les papiers dans les mains. Ils s’approchent de Zibla pour lui donner toute leur fortune de papiers et de crayons.
Cette scène est terrible, plus que la torture dans les prisons, cette scène montre à quel niveau nous somme arrivés de bassesse, même si les enfants ne sont pas responsables, leur mères et leurs pères sont présents. Cette scène tourne en direct en plein quartier devant les yeux des parents. Voyez-vous la bassesse de bassesse d’un peuple et la médiocrité de Zibla et ses partisans.
Zibla est très généreux, il jette tous les crayons devant nous, pour que les enfants les ramassent comme des poulets enragés. Il me passe les papiers pour lire, je prends ces feuilles, je les arrange page par page pour former dans mes mains un article scientifique publié sur HYPERLINK "http:"www.ieee.com". L’auteur n’est autre que le plus grand docteur de l’histoire contemporain de la Tunisie.
Voilà votre Zibla et voilà le quartier général. Peut-on donc comprendre qui est à l’origine de ce cirque ? Je demande, alors à Zibla "Pourquoi fais-tu ça, pour le bien de qui ? sais-tu à qui tu as à faire, et comprends-tu que ces papiers sont de recherches scientifiques ?" Zibla, l’article dans la main, me dit :" Oui, je sais avec qui, avec un salaud de merde, un démocrate, il travaille avec les droits de l’homme, comme si nous étions des bêtes. Écoutes Kacem, dans mon quartier vivent uniquement les novembristes et je n’ai pas besoin d’opposants à mes règles, je sais tout faire moi-même, je n’ai pas besoin de leurs connaissances. Je n’ai pas besoin ni des ingénieurs, ni des docteurs, ni des chercheurs " "Zibla, mais quoi donc, sais-tu à qui tu as à faire : c’est un grand médecin, qui fait des opérations pour des citoyens, c’est un grand monsieur, c’est une richesse nationale." Zibla ne veut rien entendre, il se met débout et dit "J’ai eu des ordres, ni plus ni moins, un médecin ou ingénieur, pour moi ça ne veut rien dire, il doit appliquer mes règles, ok, la discussion est close. Je t’invite chez moi ce soir, allons-y ". Je n’ai rien dit de plus, mais je n’ai pas envie d’aller chez lui. Ma curiosité ne me laisse pas partir sans savoir avec qui j’ai à faire, et en plus je veux connaître les projets de Zibla et comment il fait pour contrôler toute une cité. Est-ce possible, que tout ce monde-là accepte Zibla et exécute ses ordres à la virgule près ? En passant à côté du marchand ambulant de fruits, Zibla prend un petit sac en plastique plein d’oranges ; je ne l’ai pas vu payer, mais le marchand a souri, son sourire était jaune et crispé. Le marchand se trouve dans la zone d’influence de ce monstre, il paye lui aussi.
Vers la maison de Zibla, je remarque aussi que tous les hommes s’écartent devant Si Fraj en le saluant. Nous nous arrêtons devant un épicier. Si Fraj entre, mais je reste à l’extérieur, je ne veux pas entrer, pour ne pas voir la scène. Une grande bouteille de Coca est déjà sous l’épaule de Zibla. Je coupe mes doigts, si Si fraj a payé la bouteille. C’est comme ça qu’il fait sa vie et c’est comme ça qu’il vit, un vrai bandit, il mange sur le dos des autres. Fraj n’est pas élu et il ne sera jamais élu par ces gens-là, ses boss ne lui permettent pas cette aventure. Nous nous arrêtons encore une autre fois avant de rentrer à la maison. Un homme lui demande de lui chercher son permis confisqué. Fraj lui répond que demain le permis sera entre ses mains. Il ouvre la porte doucement, un petit couloir conduit directement au salon. Imaginez vous-même quel salon en cuir il possède, un home cinéma et une chaîne hi-fi. Je m’assied alors tranquillement sur le fauteuil en face de la télévision, lorsque Zibla s’excuse pour aller à la cuisine. Arrivant avec deux tasses de thé vert, il s’assied à coté de moi et dit : "Je suis très heureux de ta visite, ici c’est ma maison, c’est ainsi que je me transforme, je ne suis plus Zibla de la rue, mai le vrai Fraj." Je lui dis :"T’as deux personnalités ou quoi ?", il me répond "J’ai 10 personnalités, pas 2 cher Kacem, sais-tu que j’ai travaillé pendant 20 ans à la municipalité, ramassant les ordures de mon quartier, c’est pourquoi ils me nomment Zibla ; je n’ai pas oublié ces 20 ans et je dois me venger de ces populaces. Mal, j’ai mal au coeur à cause de leur hypocrisie."Je lui dis : "Mais je ne vois pas le lien entre vivre sur le dos des autres et se venger, si t’as quelque chose à régler avec qui que ce soit, dis-le alors, pourquoi tu as pris ce chemin ?" Il frotte ses joues "Quel chemin, j’ai le pouvoir aujourd’hui, c’est moi le Boss du quartier, ni les docteurs, ni les ingénieurs, ni les administrateurs peuvent faire mon travail."Je dis alors : "Ton travail n’est pas bon, tu es un dénonciateur, un minable Zebbel qui ne sait rien faire, sauf préfabriquer des accusations. Tu n’es pas Boss, tu exécutes les ordres de tes boss. Tu es loin du vrai pouvoir, si tu es un bon élément, tu dois donner les ordres et pas les recevoir. Je vais voir s’ils vont t’inviter au congrès."
Les yeux de Zibla s’ouvrent et se ferment comme dans un dessin animé, il n’a pas bien saisi le discours, il n’a pas compris le mot congrès, lui il dit elmoutmar. Le mot la lui beaucoup plu, mais il n’arrive pas à comprendre comment y aller et comment faire pour y être. Zibla n’est pas un homme des congrès, ni des discours politiques, je ne crois même pas qu’il serait accepté dans une cellule.Je lui demande de me laisser partir, je ne peux pas manger la nuit. La nuit je ne mange pas. J’aime écrire le ventre vide. Il m’ouvre la porte et me dit : "Écoute, n’oublie pas de passer chez moi, pour te raconter les histoires de mon quartier, bonsoir et merci pour ta visite".
En plein quartier de Zibla, la nuit est jolie, j’aime marcher à pieds, j’avance petit à petit vers l’unique épicier (Glaybi) ouvert. La lumière est si forte qu’il est impossible de rater ce petit magasin, des fruits secs, des cigarettes et quelques bonbons. Je salue le monsieur assis sur sa chaise devant son comptoir "Bonsoir, je voudrais avoir un peu de Glibettes et un paquet de cigarettes". Doucement, il se lève pour se mettre en place et me donne la marchandise. En tenant encore le paquet, il me dit : "Comment va-t-il, Si Fraj ?" Je répond "Bien", mais j’ai compris que la question est une invitation à une petite conversation, et je continue "Et toi comment va ton business ?" Il me répond "Mal, je paye beaucoup de taxes pour la femme de Fraj ; elle ne veut pas payer ses factures." Je lui dit "Et pourquoi elle ne paye pas ?" Le vieux dit "Grande histoire... je ne veux pas, non, vas-y, merci monsieur".
Donc j’avance vers la sortie de la cité, petit à petit j’approche du gardien de nuit, je le salue, il ne répond pas, et je n’insiste pas. Quelques pas en avant et j’entend une bouteille cassée, c’était lui, ivre. La bouteille est finie. Franchement j’ai voulu retourner sur le site, mais il est déjà tard, j’allume une cigarette et je prends la ruelle à gauche pour m’éloigner du quartier de Zibla. Deux pas dans la ruelle et une main touche mon épaule droite. Je me retourne en disant " Oui, monsieur ? ". Une femme, bien habillée, bien maquillée, elle fait la quarantaine. Elle me dit "Je suis une madame, monsieur, je cherche une cigarette et un dinar pour prendre un taxi""Voilà deux cigarettes, mais je n’ai pas un dinar, pardon. Pardon madame". Elle prend les deux cigarettes, en allume une, et prend le chemin derrière moi. Elle m’attrappe très vite, en disant "Eh toi, je paye le taxi pour nous deux, je veux aller voir une amie au café, tu viens". Elle marche à coté de moi comme si elle me connaissait très bien, elle veut que je parle avec elle. Elle ajoute "Mais parle, merde, tu vas où, je paye". Je ne répond pas, j’aime parler avec cette femme. Mais quoi faire ? je dis "Tu habites où ?". Elle me répond "D’où tu viens de sortir, pas loin de la maison de Zibla ?" Je répond "C’est moi qui paye le taxi, vas-y arrêtes-en un."
Il n’y a pas de taxis pour le moment. Je marche alors avec elle sans destination, mais vers sa direction, plutôt, je vois qu’elle veut me dire quelques chose, elle ne cherche plus le taxi. Je ne sais pas de quoi, j’allume encore une cigarette et je lui dis "Mais parle, vas-y, tu veux quoi en vrai, un taxi ou discuter avec moi ?" Elle s’approche, se place en face de moi, me fait arrêter de marcher, et dit "Écoute, tu es policier ou non ?" Je réponds "Non, je ne suis pas de la police, je suis comme toi, un simple citoyen, je cherche mes personnages, Zibla, est mon personnage, toi aussi tu en seras un". La femme n’a rien compris, elle allume sa dernière cigarette et dit : "Tu fais quoi toi ? Personnages, cinéma, caméra, je ne comprends pas tout ceci, es-tu de la police de Zibla ?"Je commence à marcher, elle reste, mais je savais qu’elle aurait décidé de me rattraper, j’ai senti la peur de la femme, elle a fait très attention à sa réputation, en regardant souvent derrière elle, même à notre sortie du quartier. La voilà, elle court. Elle attrape ma main, me fait tourner vers elle et dit :" Pourquoi es-tu venu chez Zibla, pour qui cette fois-ci ? Vous allez prendre quelqu’un d’autre, ne touche pas à mon fils, il est jeune encore. Demande tout ce que tu veux. Tu veux quoi de chez nous ?" Je dis " Calme-toi, c’est par hasard que je suis avec Zibla, je le connais, mais pas vraiment, et je n’ai aucune affaire avec lui, je ne suis venu ni pour ton fils, ni pour toi. Pardon, mais dis-moi, tu connais bien Zibla ?"Elle me demande une autre cigarette, je l’allume immédiatement, elle marche encore à côté de moi, mais moi j’ai envie de m’asseoir, je dis "Veux-tu qu’on s’assoie sur la bordure de la route ?" Elle me répond : "Sans problème". Elle s’assied, moi aussi, la nuit est calme, la rue aussi, il fait un peu chaud. Elle n’a pas aimé sa cigarette, elle la jette et dit : "Zibla n’est pas un homme normal, ce monsieur est malade, c’est à cause de lui que notre quartier souffre. Toutes les familles sont sous son contrôle, le médecin paye la somme de deux visites par jour à Zibla, le pharmacien paye deux ordonnances, les épiciers payent les taxes de 5 dinars chaque jours. Tout le monde a peur d’être dénoncé à la mafia de la police par Zibla. Sa femme vend de la drogue aux jeunes, toi tu ne comprends pas avec qui tu marches et avec qui tu fais des affaires. Attention à toi jeune homme, il va te piéger tôt ou tard, tous ses amis sont des policiers ou des trafiquants." Mes yeux sont ouverts, mes oreilles enregistrent les scènes, mais je ne vois pas d’images. Je dis alors "Ils sont tellement puissants ? Je ne crois pas, et vous pourquoi vous les laissez faire, pourquoi ne vous organisez-vous pas ? Pourquoi vous ne contestez pas ?" La femme commence à rire, et rire, elle se met débout, place son pied sur la bordure et se penche vers moi, je me suis senti comme coupable. Elle baisse ses yeux vers moi, mes yeux vers elle, et dit " Tu peux-le faire ? Je t’aiderai". Je dis "Faire quoi ?" et elle répond "Nous voulons nous débarrasser de Zibla. Aide-nous". Je dis "Non, aidez-vous vous-mêmes. Mais je peux participer si tu me racontes la vraie histoire de Zibla, d’où vient-il, ses parents, ses trucs, pourquoi il frotte toujours son cou ? Pourquoi il fait sa toilette devant tout le monde dans la rue ? Pourquoi, je veux savoir".
La femme a presque le même âge que Zibla, elle ne peux pas connaître son histoire, et surtout elle est récente dans le quartier. Elle ne me répond pas, je comprend qu’elle ne sait rien. Mais elle dit : "Veux-tu que je t’apporte son dossier ? Je parlerai avec toutes les femmes du quartier" je lui dit : "Fais bien attention à toi, tu seras automatiquement dénoncée... écoute, il est trop tard, vas chez toi... moi je ne peux plus, je suis fatigué." La femme m’a quitté simplement comme ça, sans rien dire, elle s’éloigne petit à petit, pendant que je reste assis. J’allume une cigarette. Il est déjà 3 h de matin, je dois dormir. Quand j’écris, je me fatigue trop vite, ma tête est bourrée d’idées. La délivrance peut se maintenir plus que trois jours et trois nuits. C’est beau, et c’est vraiment beau de créer.
Comme vous le remarquez sûrement, je n’ai pas aimé ce personnage de femme, oui c’est la première fois que je décide d’éliminer un personnage avant de finir mon film. C’est ne pas parce qu’elle est moche ou faible, mais parce qu’elle est arrivée de derrière, derrière ma dot. Personnellement je n’aime pas ces gestes, même avec mes personnages. Devant mes claviers, c’est mon coeur qui décide les paroles et pas mon cerveau. Donc j’oublie cette femme, et je n’ai plus besoin de ses services. Pourquoi dois-je déclarer la guerre contre Zibla, l’homme que je connais juste un tout petit peu ? Il ne m’a rien fait, lui. Qui sait, j’en aurai peut-être besoin moi-même un jour, j’aurais besoin de ses services. Il y a longtemps que je cherche à déménager dans une autre ville, je ne veux plus travailler près de ce quartier. Zibla connaît les gens qui décident et qui font bouger les choses pour moi, même si je dois payer, c’est ne pas un problème, je peux payer, il ne va pas beaucoup demander. Donc je serai complice de Zibla. Ici Kacem est mort. Combien y a-t-il de Kacem comme celui-là chez nous ? Une infinité. Ces Kacems-là sont les merdes de merdes et les médiocres des médiocres de notre histoire. Mais pourquoi sont-ils si nombreux et partout ? Cette question-là est fondamentale pour ma république. Ces Kacems sont abandonnés par la sociétés civile. Plus précisément, ils sont abandonnés par leurs poètes, écrivains, journalistes, docteurs, médecins, artistes et juges. Quand un simple citoyen ne voit pas dans son juge ou médecin ou avocat son idole, il fait une déviation de 180 degrés. Zibla devient pour eux une idole, un homme qui peut tout faire, fort et puissant, c’est ça qui est fondamental chez nous. Nos problèmes sociaux sont les faux idoles, imposées par le pouvoir économique. Notre société est totalement déviée du chemin linéaire aux éclairs des beaucoup de Zbil.
Je reviens à Zibla, pour répondre à mes questions posées à la femme. Je suppose qu’elle m’a dit tous ça. Ou la fiction ne manque pas, j’ai pu le faire en marchant, seul dans la rue. Voilà donc la vraie histoire de Zibla.
L’histoire de Zibla a commencé, il y a plus de 45 ans. À l’âge de 5 mois, sa mère trop occupée par les travaux de sa maison le place devant la porte extérieure pour respirer l’air frais. À cette époque le quartier n’existait pas encore. Zibla marche déjà à quatre pattes, et il peut s’éloigner de la maison. Petit à petit, il est perdu dans les champs au voisinage de leur maison. Le bébé s’est approché de l’endroit où on jette les ordures, quand une chienne arabe très sale le mord au visage. Aux cris du petit enfant, toutes les femmes du quartier sortent pour le secourir. Ils le trouvent profondément blessé, son visage déformé par des blessures profondes. L’enfant est encore vivant, mais il tombe très malade. Sa mère est convaincue qu’il ne survivra pas, donc elle ne fait rien pour le soigner. Une semaine, deux semaines, l’enfant n’est pas mort et reprend son activité normale, avec quelques tics. Le père ne réagit pas, alors qu’il savait qu’il faut vacciner et soigner l’enfant.
Zibla a survécu à cette épreuve, son corps démontre une grande capacité d’adaptation avec les virus de la chienne. Le développement de Zibla se passe bien, mais à l’âge de 10 ans, Fraj commence à courir derrière tous les chats du quartier... C’est pourquoi encore aujourd’hui il n’y a pas des chats dans son quartier général, même si les gens qui y habitent mangent beaucoup de poisson. Un quartier sans chats, ça montre bien l’efficacité de Zibla dans la chasse. Vous avez peut-être remarqué que les tics de Zibla montrent aussi son appartenance au monde des chiens arabes. Zibla pisse n’importe où dans la rue, à la place de ses vrais chiens. J’ai aussi remarqué la circulation des chiens dans le quartier. Si Fraj a aussi un autre tic, il frotte constamment son cou.
Quoi dire alors, Zibla est un chien de nature, mais porte un costume. Scientifiquement, il a subi des mutations et il se comporte comme un chien. J’ai remarqué aussi qu’il possède un sens de l’odorat très développé. Zibla connaît le repas de chaque appartement. Son travail à la municipalité comme ramasseur d’ordures s’explique aussi par son appartenance au monde des chiens. Il m’a raconté qu’il devient très méchant quand il trouve que les poubelles de son quartier sont pauvres en os d’un bon calibre. Zibla aime les chiens du quartier, et je crois qu’il a une autre vie avec eux la nuit. Je n’ai pas beaucoup parlé avec sa femme, mais j’aimerais essayer.
Je ne crois pas que les habitants du quartier approuveraient cette version. L’interprétation peut ne pas être juste, mais pour moi, Zibla n’est autre qu’un chien en costume. En tous cas je décide alors de voir le docteur du quartier, pour une éventuelle confirmation. Un chien, cher ami, a son arme dans ses dents, il faut faire attention à ne pas être mordu. Je rentre donc à la maison, avec ma version dans ma tête, personne ne peut me convaincre du contraire, même le plus chevronné des médecins. Je suis convaincu de mes idées et mes interprétations de ce phénomène du Chienisme (Klab). Je ne chercherai pour moi ni un vaccin, ni un médicament, il est trop tard pour moi, et pour les habitants de ce quartier de merde. La science ne pourra jamais expliquer ceci, et la population n’acceptera pas cette théorie, les associations internationales de droits de l’homme ne seront jamais convaincues, et les associations de protections des animaux vont prendre l’assaut. Jusqu’ici, c’est la plus grand aventure de ma vie, avoir une affaire avec des chiens et des Zbils. Je m’allonge sur mon lit tranquillement et j’ouvre mes yeux vers le plafond. Ici, là, j’ai toutes les séquences de mon film entre vos mains. Parfois, j’ai même eu peur de moi, quel monstre suis-je ? La logique des événements me pousse à finir mon film.
Hier j’étais malade parce que je n’ai pas trouvé dans ma mémoire l’objectif de ce film philosophique. Aujourd’hui tout est clair devant moi, comme le jour et comme le soleil. L’objectif final de ce film est de vous montrer à quel stade l’être humain peut aller dans la création et la recherche des solutions complexes même avec des chiens. De bon matin, je me suis réveillé pour aller prendre un café, je prends chaque jour le même chemin que celui de Zibla. Je veux voir ce monsieur, je commence à l’aimer comme personnage et comme individu malade. Le film vient juste de commencer, la fiction est ma spécialité. Si vous avez donc des ailes... Décollez avec moi, l’espace de ma mémoire est si vaste qu’un espace vectoriel de dimension n.
Je lui dis bonjour comme d’habitude, il s’arrête en me fixant de ses yeux. Il me salue à nouveau en disant bonjour, bonjour. Je l’imagine en train de me dire Hob, Hob, Hob. Pour moi, il n’est plus Zibla, mais un chien. J’ai peur qu’il me morde ou qu’il me touche, je prends toujours mes distances et je reste calme comme un petit enfant. Zibla porte une ceinture large et belle, bien attachée à son ventre comme un chasseur. La ceinture a plus de 6 poches. Ces poches sont toutes remplies par des téléphones cellulaires. Il me dit que c’est son bureau. Je lui demande "Mais explique-toi, pourquoi tous ces téléphones ?"Il me répond " J’ai décidé d’entrer dans la politique, et je veux être le président du congrès. Oui, j’ai tout ce qu’il faut, j’ai de l’argent et des amis".
Je lui dis : "Écoute Zibla, ce n’est pas facile d’y entrer, tu ne peux pas le faire, il faut être si malin pour convaincre les autres, déjà pour y accéder-même, je ne parle pas de présider."
Il me tient par mon bras gauche. Je pense au vaccin. Il marche en frappant le sol avec ses pattes et dit "Écoute, j’ai besoin de toi, je te paye 1500 dinars par jour, mais organise-moi un avant-congrès, pour mon camp. J’ai des amis partout, j’ai un budget infini". Il détache la ceinture et me passe tous les téléphones cellulaires, en disant "Voilà ton bureau personnel. Tu vivra avec moi dans ma maison. J’ai beaucoup de papiers et de listes. Organise-moi cet avant-congrès. Je veux être, je veux être, je veux être..."
Je serais le plus bête de ne pas accepter 1500 dinars par jours, et plus bête de ne pas accepter la préparation de ma république en même temps. Il me laisse débout dans la rue, sans rien faire, la ceinture entre mes mains. Je n’ai jamais vu un homme si bien déterminé et confiant en lui-même. L’argent est le moteur principal de toute réussite. Avant de décider de me lancer dans ce projet, je dois faire une recherche bien détaillé sur moi-même. Je dois aussi rendre visite au docteur pour un vaccin et une consultation. Comment vivre chez Zibla et ne pas avoir peur. Je ne vais pas chez lui, mais j’organise le congrès. Pour que Zibla soit le président, l’avant-congrès doit être mis au point au moindre détail près. Donc j’ai décidé.
J’attends le soir, j’attends le retour du docteur chez lui. Dès que la nuit tombe, je vais chez lui, il doit m’accepter quelque soient les conditions, j’ai un plan dans ma tête. La première idée est d’enlever les sanctions qui pèsent sur le docteur, aucun enfant ne s’approchera plus de lui et il ne subira aucun contrôle à partir de demain. Je frappe à la porte du docteur. Sa fille ouvre la porte et me laisse entrer chez lui. Elle me montre son bureau, il est déjà débout au centre du salon. J’avance vers lui, les yeux dans les yeux, j’ai un peu froid, je n’ai pas les capacités nécessaires pour parler avec lui. Il me tend sa main et dit : "Entrez cher Kacem, faites comme chez vous." Je ne peux pas vous décrire sa bibliothèque, mais c’est inimaginable. Il me montre la chaise où je dois m’asseoir, lui il s’assied en face de moi, en laissant sa chaise de bureau vide. À cet instant sa fille entre avec deux tasses de lait et une assiette pleine de dattes. Je croise mes bras et je dis "Docteur, je suis venu pour vous annoncer que vous êtes libre dès demain, et vous ne subirez aucune pression. Mais en fait je suis chez vous pour une petite consultation... Est-ce que vous pouvez me soigner ?" Le docteur se met débout et gagne sa place de docteur. Il ferme un petit dossier devant lui et dit "Je vous écoute". Je lui demande alors "Docteur, est-ce que le virus du chiennisme est transmissible par toutes les voies (je parle de Kleb). Je veux un vaccin tout de suite".
Le docteur reste immobile, ne répond pas, tranquille, il compile la question. Après un moment, il me dit : "Le kleb est un virus difficile à soigner. Il faut distinguer entre deux virus de chiennisme, il y a le chiennisme humain et il y a le chiennisme animal. Il faut distinguer les deux. Tu as été mordu par un chien ou quoi ?" La question me place dans l’obscurité absolue et je ne vois plus devant moi, ni les tasses de lait, ni le docteur. Je ferme mes yeux et je me rappelle : Quand j’avais 14 ans, mon père m’a acheté une mobylette. J’ai beaucoup aimé cette machine roulante et j’ai voulu la montrer à ma toute première copine. Je suis monté dessus, et vite j’ai roulé vers elle. J’avais oublié que son père possédait un grand chien de 50 kg. A l’entrée de leur jardin, le chien a plongé sur moi pour me faire tomber de ma moto. J’ai eu très peur, si ma copine n’avait pas été débout près de leur maison pour me secourir, j’aurais été mordu par ce chien. Mais devant le docteur j’ai même oublié si j’avais été mordu ou non. Je me ne rappelle plus à cause du choc, ma mémoire a été effacé au moment-même où ça se passait. Mais avec un peu d’effort j’ai trouvé les traces de mon histoire. Ma copine m’avait donné un verre d’eau. Je n’étais plus capable de conduire ma moto, alors j’ai marché à pieds vers chez moi. La hache de mon père était toute neuve, je l’ai cachée sous mes vêtements, et je vite retourné vers le chien. Je me rappelle que j’ai été un autre chien orageux, plus que lui. Je marche... Je marche... Les dents serrées, mes yeux ouverts, la hache à la main droite. Je la tiens comme un soldat, j’avance vers le jardin de ma copine, j’entre. Lui, le chien, arrive comme un lion, il court, il court et plonge vers moi. Ses pattes de devant ont presque touché mes épaules, à cet instant je recule d’un pas et je frappe d’une force inimaginable avec ma hache pour briser sa tête en deux... l’animal tombe. Mort sur place. J’ai oublié la peur de ce jour là.
J’ai raconté toute l’histoire au docteur et je n’ai rien dit de plus, lui non plus n’a rien dit, mais il a voulu m’expliquer quelques notions scientifiques. Je me suis alors excusé, et je suis sorti de sa maison. Totalement en sueur, totalement pris par l’idée que je suis aussi un monstre, un chien orageux... Mais en tête un projet national d’envergure. Je marche... Je marche vers la maison de Zibla, pour lui confirmer que ma décision est prise, mais mon bureau sera ma maison. Et pourquoi pas, j’ai tout le nécessaire pour diriger et administrer et planifier mes intentions. Mon chef Zibla a confirmé. Dès demain, c’est moi qui dirige le quartier, les taxes et les ressources sont toutes sous mes ordres. Une armée d’hommes et de femmes sont à mon entière disposition. Pour être proche de tout ce monde, j’ai loué une villa au centre du quartier. Zibla n’a plus d’ordres à donner, je l’envoie dans les villages et les villes contacter ses amis, pour dire que nous sommes en train de prépararer l’avant-congrès du congrès officiel qui se déroulera au palais du congrès le jour après l’invitation de tous les congressistes chez nous, dans le quartier général de Zibla.
J’ai importé des femmes, belles comme des oranges, des voitures, des autobus et des vaches pour les égorger... J’ai bien payé tous mes assistants et assistantes. Ils sont tous habillés dans des robes et des costumes spéciaux. Chaque nuit j’organise un concert pour tout le monde, j’ai arrêté de percevoir les taxes pendant une semaine. Zibla ne porte plus son costume vert, mais noir comme tout le monde, chaque jour il doit passer chez le coiffeur. J’ai démandé à sa femme d’augmenter la vente de Zatla, les révenus sont énormes. J’ai commencé à préparer le quartier à recevoir nos invités. Tout le monde bien habillé, des tapis importés sont bien placés à l’entrée de notre quartier. Tous les épiciers sont vêtus en couleur or. J’ai acheté un plafond décapotable pour notre quartier, d’une longueur plus de 150 m. J’ai transformé le quartier en un studio de cinéma. Les femmes, les hommes, les enfants, sont tous restés bouche bée devant les décors, imaginez que vous êtes au paradis. Zibla est convaincu de gagner les coeurs de tous ses invités. J’ai eu la confiance totale de Zibla et ses proches. Vers 18 h tout était en place. Les assiettes de viande, des crevettes et des moules au nombre des étoiles, les desserts joliment coupés et arrangés sur une table d’une longueur de 100 m. Chaque invité à sa propre serveuse, une fille importée de loin, toutes habillées en mini jupe, et avec un décolleté en plus. Elles sont comme des anges naturels. Les caméras, les radios internationales, les sites Internet sont tous invités, les journalistes ont leurs balcons spéciaux. C’est un vrais avant-congrès.
J’ai dit au pharmacien du quartier que j’ai besoin d’hormones de type viagra pour ma chienne Saint-Bernard. Je voudrais que ma chienne ait des bébés, elle vit avec moi depuis plus que deux ans, elle n’est jamais sortie dans la rue. Elle est la plus belle de toutes les chiennes du pays. Le pharmacien m’a préparé le jour-même une solution très forte. Dans l’ordonnance il m’a expliqué qu’il faut trois doses par jour, pour qu’elle soit prête pour l’accouplement, et qu’elle puisse sécréter l’hormone nécessaire pour attirer l’attention des mâles. J’ai lui demandé que tout soit confidentiel, il m’a promis. Le jour même ma chienne Brima a avalé deux doses successives, même si le printemps est encore loin. Le printemps est la saison d’accouplement des chiens.
J’ai demandé a Zibla de ne rien dire aux invités, sauf après m’avoir averti. Je lui ai déjà préparé un discours de quelques phrases, pas plus. Je l’invite dans mon bureau, et je lui dis "Écoute... Tu vas dire à chaque invité ces phrases, pas plus pas moins, ou tu va tout bouleverser. Ils sont plus rusés que toi. Chuchote cette phrase dans l’oreille de chacun : CHID YE HMED... ok ?" Il n’accepte pas, au début, mais je lui fais signer des chèques de 2000 dinars chacun, pour les placer dans la poche de chaque invité congressiste. Enfin il accepte de ne pas faire de discours public et d’appliquer mes règles de jeu.
Tous sont là, dans des costumes achetés par moi-même. Ils s’installent chacun à la place prévue dès le début. C’est tellement joli et propre, comme si nous étions dans un film de Hollywood. Ils mangent et donnent des discours pour les journalistes, ils ont tous affirmé leur soutien à Zibla. Zibla a les yeux ouverts comme un petit garçon, il bouge entre les invités et place les chèques dans les poches en chuchotant la phrase. Il a répété la phrase plus de 200 fois. Presque tous les congressistes de demain sont dans sa poche, j’étais sûr et certain qu’il présiderait le congrès. Le directeur du palais des congrès me donne toutes les clés du palais et me dit que le bâtiment est sous mon contrôle et commande.
Je me déplace cette nuit vers le palais avec ma chienne, et je demande de créer une autre chambre en face de la grande porte de l’amphithéâtre où se déroulera le congrès. La chambre doit avoir une fenêtre et un grand ventilateur. Les ouvriers ont vite préparé la chambre avec du contre plaqué. Le système de ventilation est parfait. Je suis entré avec Brima dans sa chambre, j’ai fermé la porte et j’ai montré à Brima comment sauter à travers la fenêtre, après avoir arraché avec ses dents sa couche, et être restée 90 secondes les fesses dirigées vers le ventilateur. J’ai répété l’exercice 10 fois, la chienne comprend très bien sont maître. J’ai laissé ma chienne dans sa chambre. J’ai bien remis sa couche, et tous les restes des doses d’hormones préparées par le pharmacien sont devant elle, j’ai vu même qu’elle à commencé à les consommer. Voilà que Brima sera demain prête à s’accoupler. Cette nuit je n’ai pas dormi.
J’appelle le docteur au téléphone, il ne m’attendait pas, mais il a eu la gentillesse de décrocher son appareil. Je lui ai demandé de préparer un discours et lui ai dit qu’il sera un invité spécial pour le congrès. Sans hésitation, il me confirme sa présence. Moi aussi j’étais sûr et certain qu’il m’a compris et il a pu interpréter toutes mes histoires dans le bon sens. Je ne crois pas qu’il continuera à dormir, je vois déjà le stylo a commencé sa course.
Le rendez-vous est fixé a 10 heures du matin, avec tout le monde dans la salle de congrès. À 10 heures la séance sera ouverte par monsieur le président Zibla... Si Fraj. Je ne suis pas rentré à la maison, j’ai uniquement appelé Zibla pour lui dire que tout est en ordre et tout est en place. J’ai dormi dans la salle du congrès, après avoir vérifié une dernière fois la préparation de Brima, qu’elle ait tout consommé. Je ne sais pas combien de minutes j’ai dormi, presque 10, je me suis réveillé en pleine forme, mais très énervé et très vigilant. Le congrès n’est plus dans mes mains, mais entre les cuisses de Brima, plutôt dans sa couche. Tout va dépendre de sa réaction et son intelligence. J’ai vérifié 10 fois l’ouverture automatique de la porte de ma chienne, jusqu’ici tout marche impeccablement, la porte répond. Je vois de ma chaise Brima dans sa couche, j’ai vu aussi qu’elle est prête et qu’elle ne me laissera jamais tomber.
Mes regards ne quittent pas la porte de la chienne, ni la salle du congrès, comme si j’étais devenu un robot. J’ai tout contrôlé, l’entrée des congressistes et les invités un par un, tout le monde est là. Il est déjà 9h 53’. J’allume le système sonore et je demande à tout le monde de s’asseoir. La salle est pleine. La radio, la télévision et les journalistes sont en place. Zibla comme président est assis à côté de moi, j’ai senti les battements de son coeur. Je ferme les systèmes de microphones et je chuchote dans son oreille "Calme-toi... RE Zibla... Tu seras chassé, c’est inévitable. Calme-toi". Il est 10H. J’ouvre la porte de Brima par la commande à la main droite, avec la main gauche je déclenche les micros. Zibla s’approche du micro... je déclenche le système de ventilation dans la chambre de la chienne. Elle arrache sa couche avec ses dents, elle reste tranquille, les fesses face au ventilateur. J’ai senti l’air qui frappe à l’intérieur de l’amphithéâtre. Les hormones sexuelles doivent exciter les chiens, moi je n’en suis pas. J’ai vu comment Zibla à réagi à l’appel de Brima, Il se met débout et sort en courant vers la porte de la chienne, j’ai vu même, qu’il à jeté sa ceinture de pantalon par terre. Brima reste à sa place... mais voilà, elle saute par la fenêtre, et Zibla court derrière elle, le pantalon totalement en bas. Le plus beau c’est que ce n’est pas uniquement Zibla qui est excité, mais plus d’une centaine de personnes dans la salle ne peut plus supporter de s’asseoir au congrès avec une invitation sexuelle par Brima. Ils sortent en courent derrière ma chienne, à l’extérieur du palais des congrès il y avait plus de 500000 personnes, qui commencent à jeter des pierres derrières les chiens surexcités. Voilà qu’un congrès normal commence, avec en tête monsieur Kacem.
Micros en marche
Kacem : Asseyez-vous tous... Kacem : Silence ! Silence ! asseyez-vous.
Il y a quelqu’un qui veut parler là bas, il sort de sa place, il enlève sa veste et avance vers moi, vers le comptoir.
Kacem : Regagne ta place et vite (très fort et très brutalement). Calme toi, et regagne ta place, tu étais payé pour ça.
Deux agents du service d’ordre, l’accompagnent pour le placer tranquillement à sa place.
Kacem : (micros en marche) Bismi Illehi Irrahmani Irrahimi
Je lance un regard au balcon, les journalistes sont tous debout comme s’ils savaient ce que je voulais dire. J’ai vu Omar Elkayam, Cheik Salah, Chems, TIZ, Ivan, je balaye le balcon une deuxième fois, je ne parle pas, sauf ma respiration qui devient plus forte, les battements de mon coeur qui appellent au secours, je ne sais pas quoi dire, je balaye encore le balcon, j’ai vu qu’ils ont compris que j’ai besoin d’un discours écrit pour m’on sortir, je souffle fort et fort, tout ceci est capté par les micros, la salle est encore calme, mes battement du coeur et ma respiration, la ronde de plus en plus chaude. Là en haut, ils ont compris que je besoin d’un texte à lire... je voix leurs plumes rédiger un discours, la salle est devenue encore plus chaude, les congressistes veulent une réponse. Mais vite, donnez-moi ce papier, mais vite je n’ai plus de temps ! Je vois le papier circuler entre eux. Il bouge, il bouge, il circule, mon coeur ne bat plus... totalement arrêté, je frappe fort sur le comptoir, mes jambes tremblent, j’ai envie de pisser, merde. J’ai froid, j’ai chaud. Le papier, je me tiens encore, je dis encore :
Bismi Illehi Irrahmani Irrahhhhhhhhhhimi !
À ma gauche, ma chienne entre dans la salle devant le Juge. Ma chienne connaît très bien son travail, elle été à l’appel du Juge. Dans sa robe de magistrat, il se montre devant moi... Je me met débout, pour que toute la salle me suive. Je lui laisse ma place, et je sors. Je marche, je marche et je marche. Je marche pour disparaître entre les 500000 citoyens. Ici, j’ai envie de rentrer à la maison pour dormir un peu.
Kacem
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