15‏/09‏/2008

Protestation contre une nomination au Comité des droits de l’homme de l’ONU

Ci-après le papier de Juan Gasparini, citant Abdel Wahab Hani: "Protestation contre une nomination au Comité des droits de l’homme de l’ONU", suivi de l'interview que Maître Radhia Nasraoui a donné à Carole Vann, aux marges de la 9e session du Conseil des droits de l'homme: "L’antiterrorisme favorise la montée de l’islamisme", dans la "Tribune des droits humains"; les liens sont en bas des textes, Cordialement, AW Hani

Protestation contre une nomination au Comité des droits de l’homme de l’ONU
Tdh (Tribune des droits humains)
15 septembre 08

Juan Gasparini/Tdh - Abdel Wahab Hani, au nom des ONG Alkarama (Dignité) et Commission Arabe des Droits de l’Homme, a profité de la rencontre la semaine dernière entre les ONG et le président du Conseil, le Nigérian Martin Uhomoibhi, pour protester contre la nomination du diplomate égyptien Ahmed Amin Fathalla comme membre du Comité des Droits de l’Homme de l’ONU. Il s’agit d’un organe formé par des personnalités indépendantes en charge de contrôler l’application du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, l’un des deux piliers de l’ONU. M. Fathalla est actuellement ambassadeur d’Égypte aux Pays Bas.

Cette pratique de faire élire des diplomates dans des Comités qui surveillent le respect des traités par les États, est souvent critiquée par les ONG, qui y voient un manque d’indépendance, due à leurs engagements avec les gouvernements dont ils sont fonctionnaires. Cela représente à leurs yeux « une violation du critère de haute moralité inscrit dans l’article 28 du Pacte ».

M. Fathalla n’est pas le seul cas égyptien. Il y a aussi Naéla Gabr, ancienne ambassadrice à Genève, aujourd’hui assistante du ministre égyptien des affaires étrangères pour les organisations internationales et membre du Comité aux Nations Unies sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (CEDAW).

D’autres pays suivent la même pratique. C’est le cas de l’ambassadeur d’Équateur à Washington, M. Luis Gallegos Chiriboga, membre du Comité de l’ONU contre la torture, et de M. José Augusto Lindgren Alves, ancien ambassadeur du Brésil à Sofia, toujours diplomate en poste à Brasilia et membre du Comité de l’ONU contre la discrimination raciale. L’Algérien Lazhari Bouzid, élu en même temps au Comité des droits de l’homme de l’ONU avec l’Égyptien Fathalla, est sénateur dans son pays. Selon Abdel Wahab Hani, « il s’active dans la diplomatie parlementaire de l’État algérien et ses déclarations vont dans le sens de la défense des thèses officielles algériennes qui nient les crimes et les violations les plus graves des droits de l’homme dans le pays, mettant en cause son indépendance et l’impartialité de ses jugements ».

http://www.humanrights-geneva.info/Protestation-contre-une-nomination,3473

« L’antiterrorisme favorise la montée de l’islamisme »
Tdh

Radhia Nasraoui, Genève 12.09.08. Photo M. Bührer
14 septembre 08 - De passage à Genève dans le cadre de la session d’automne du Conseil des droits de l’homme, l’avocate Radhia Nasraoui témoigne des dérives persistantes de la lutte contre le terrorisme menée en Tunisie.
Propos recueillis par Carole Vann/Tribune des droits humains - En marge de la 9ème session du Conseil des droits de l’homme, Amnesty International, la Commission internationale des juristes et la Fédération internationale des droits de l’homme, organisaient vendredi 12 septembre une table ronde sur les violations persistantes commises au nom de la lutte contre le terrorisme.
L’une des participantes, l’avocate tunisienne Radhia Nasraoui, fondatrice de l’
Association de lutte contre la torture en Tunisie (ALTT), explique les répercussions du 11 septembre sur la profession des magistrats dans son pays. Interview.
Qu’est-ce que les attentats du 11 septembre ont changé en Tunisie ?
Une loi « relative à la contribution à l’effort international de lutte contre le terrorisme et le blanchiment d’argent », entrée en vigueur le 10 décembre 2003 permet d’emprisonner les gens sans qu’il n’y ait de charges contre eux. Les autorités peuvent accuser n’importe qui d’appartenance aux réseaux terroristes sans preuves.
Cette loi viole les principes élémentaires permettant d’assurer des procès équitables. Elle permet aux magistrats, témoins, enquêteurs de cacher leur identité sous prétexte de mesures de protection. Du coup, la personnes inculpée est privée de son droit de récuser un juge ou un témoin.
Normalement, en Tunisie, une personne peut récuser un juge ou un témoin pour manque d’objectivité si elle peut prouver qu’ils ont, par exemple, un litige familial ou de voisinage.
De même avec cette nouvelle loi, si l’enquêteur pratique des actes inhumains sur l’inculpé, ce dernier n’a plus la possibilité de porter plainte contre son tortionnaire puisqu’il ne peut l’identifier.
Autre problème : l’atteinte au secret professionnel des avocats. La loi au 10 décembre prévoit que quiconque ne dénonce pas une personne susceptible d’être dans des réseaux terroristes, cela même si elle est tenue au secret professionnel, est punissable de 5 ans de prison ou plus. Le rôle de l’avocat est presque anéanti.

Est-ce que ces abus des autorités entraînent une montée de l’islamisme en Tunisie ?

Absolument. Beaucoup de jeunes que je défends n’étaient pas pratiquants avant d’entrer en prison. Ils n’avaient aucune activité politique et ne considéraient pas du tout le pouvoir comme ennemi. Mais les tortures et mauvais traitements les ont tellement humiliés qu’ils sont maintenant sous influence des détenus salafistes [salafisme, mouvement revendiqué par les Frères musulmans qui prône un retour aux sources de l’islam] Ces jeunes détenus me disent : j’ai été arrêté injustement. Si un jour je sors de prison, je combattrai ce régime.

Il y a pourtant des gens intelligents au pouvoir. Comment expliquez-vous une telle dérive ?

Le pouvoir a besoin de créer des « terroristes » pour se présenter aux gouvernements européens et aux Américains comme le rempart contre le terrorisme. Leur message : « Nous emprisonnons tous ceux qui peuvent constituer un danger pour vous. Vous devez nous y aider. » C’est ainsi que Ben Ali parvient à rester président à vie. Ce régime n’a pas de vision à long terme.
Lors de son Examen périodique universel devant le Conseil des droits de l’homme en mars dernier, la Tunisie s’est engagée à inviter le rapporteur spécial chargé de la protection des libertés dans la lutte contre le terrorisme. Elle a aussi invité Human Rights Watch à visiter ses prisons. Ces visites ont-elle eu lieu ?
Le gouvernement tunisien n’a pas encore trouvé d’accord avec Human Rights Watch. Et rien n’a encore été fixé pour le rapporteur spécial.

Il semble que la peine capitale n’est plus appliquée en Tunisie. Pourtant il y a eu plusieurs condamnations à mort en 2008. Qu’en est-il ?

Il y a bien eu une dizaine de condamnation à mort cette année. La Tunisie se targue de ne plus appliquer la peine capitale, mais près d’une centaine de condamnés attendent dans les couloirs de la mort dans des conditions inhumaines, certains y sont depuis plus de dix ans. Ils n’ont droit à aucune visite ni de leur famille ni de leur avocat. Ils ne peuvent recevoir aucun courrier. Ils sont coupés de tout contact avec l’extérieur, certains en perdent la raison.

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